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Prologue - Arrivée - Cusco - Machu Picchu - Lac Titicaca - La Paz, Sucre - Potosí et ses mines - Salar d'Uyuni - Lima - Epilogue

Mardi 24 : La Mer de Sel

Pour apprécier pleinement le Salar, il faut le voir dès le matin lorsque le soleil se lève vers sept heures. Après un départ à cinq heures et demi et une heure de bus en pleine nuit, nous y arrivons enfin. Le ciel rose derrière les montagnes à l'horizon annonce l'imminence du lever du jour. Ca y est, nous apercevons enfin le soleil. Il était temps qu'il vienne un peu nous réchauffer, car à cette altitude, trois mille sept cents mètres, les matinées sont très fraîches et surtout quand un vent glacé se met à souffler. Les rayons éclairent la mer de sel et lui confèrent une atmosphère quasi lunaire. Jamais encore je n'avais vu un paysage de la sorte. Le Salar d'Uyuni qui couvre près de dix mille kilomètres carrés est la plus haute et la plus grande mer de sel au monde. Sa profondeur varie entre deux et vingt mètres.

Un petit-déjeuner nous attend ensuite à l'hôtel de sel du Salar. Oui, un hôtel entièrement construit en sel, à part peut-être le toit et les charpentes des portes. Mis à part cela, tout est fait de briques de sel assemblées entre elles avec un mortier composé principalement d'eau et de sel. Du sel et encore du sel, je n'ai pas pu m'empêcher de lécher les murs pour m'en assurer.

Nous nous dirigeons ensuite vers la isla Pescado, l'île du Pêcheur située vers le centre du Salar, à une heure de l'hôtel de la Playa, l'hôtel en sel. Cet îlot de dix hectares a la forme d'un poisson, d'où son nom. Et c'est effectivement à l'état de poisson qu'on se retrouve après avoir foulé son sol. Bouche bée. Ma première impression fut celle de l'île mystérieuse dans le Tintin du même nom, sauf qu'à la place des gros champignons blancs à pois rouges on trouve des cactus géants de teinte jaune et verte. Certains font près de douze mètres de haut, et quand on sait qu'ils poussent à raison de un centimètre par an, vous pouvez vous faire une idée de leur âge vénérable. Ne vous torturez pas, douze mètres = mille deux cent ans. Ce caillou rocheux est recouvert de ces immenses cactus aux longues épines, et il surplombe l'ensemble du Salar d'Uyuni. On se sent comme perdu au milieu d'une étendue de neige, c'est réellement fantastique, et la luminosité violente qui se dégage de cette mer de sel achève de vous déboussoler totalement. Les cactus, si on les regarde à contre-jour, semblent translucides sur les côtés, semblables à des fantômes ou des spectres. Tout ici est fou, même la faune. Quoi de plus étrange que de voir sautiller au milieu des cactus piquants, la viscacha, un lapin avec une queue de kangourou. Où encore de voir dans cet univers hostile un petit tatou sortir d'une grotte, alors que je m'imaginais toujours qu'on ne les rencontrait qu'en forêt tropicale.

C'est également sur cette île étrange et merveilleuse que j'ai bu la meilleure infusion de ma vie. Le maté de Wayawaya, plante mieux connue sous le nom de Bailabaila ("baila" en espagnol qui signifie "danse" - impératif ) ou encore de Flor de amor, car il paraît qu'elle possède des propriétés aphrodisiaques. En plus de cela, elle est bonne pour l'estomac et pour soigner la fièvre. La potion magique, il suffit d'y croire. Si je l'ai tant aimée, ce n'est pas en raison de ses nombreuses propriétés, mais parce qu'elle a tout simplement bon goût, il ne faut pas chercher plus loin...

Et nous en avons déjà fini avec le Salar, il nous faut reprendre notre bus et retourner sur Uyuni. Où nous faisons une étape pour prendre quelques vivres, en prévision des deux journées suivantes que nous allons passer en autonomie, en ayant tout de même pris le soin de louer les services de Stella, notre cuisinière pour ces deux jours. J'achète entre autres, une part de gâteau au chocolat, pas la première du voyage, mais celle-ci fera mon malheur. Et nous remontons dans notre beau bus avec nos deux sympathiques chauffeurs, Oswaldo et Daniel. Nous devons passer la nuit au refuge de Villa Alota, au sud-ouest de Uyuni, étape avant d'arriver à la Laguna Colorada, encore plus au sud, non loin de la frontière chilienne.

Après quelques heures de bus, je mange ma part de gâteau en guise de goûter. Pas très bon je dois dire, il manquait de sucre et de chocolat, mais surtout pas assez cuit, et mon estomac, chahuté par les irrégularités de la piste n'a apparemment pas apprécié du tout. La fin du voyage est pour moi un vrai cauchemar ! Lorsque nous arrivons le soir au refuge de Villa Alota, j'ai l'impression de n'être plus qu'une loque. Il faut me porter mon sac jusqu'à mon lit, car je n'ai plus la force de soulever les vingt kilos qu'il représente. Pendant que les autres membres du groupe descendent dîner dans le réfectoire du refuge où se trouvent également d'autres groupes de voyageurs, je reste couché dans mon duvet. Ce qui ne m'empêchera pas de me lever bientôt en catastrophe pour aller "rendre mon gâteau", tout juste sur le pas de la porte...

Mercredi 25/07 : Les Lagunes

Dès six heures du matin nous sautons dans le bus. Quelle joie de retrouver la route ! Mon ventre est du même avis, si bien qu'en milieu de matinée, pris d'une soudaine nausée, j'ouvre brusquement la fenêtre du bus. Juste à temps, et juste assez pour pouvoir y passer ma tête et... je vais arrêter là ces détails scabreux et inutiles, mais qui tout de même me font bien rire avec un peu de recul. Le reste du voyage ne sera pas vraiment une partie de plaisir et je suis désolé de ne pas avoir pu profiter pleinement des étonnants paysages désertiques que nous traversons à plus de quatre mille mètres d'altitude. Nous arrivons vers midi à la Laguna Colorada, je ne prends même pas le temps de l'admirer comme elle le mériterait et je file vers mon nouveau lit. Alors que les autres partent après avoir mangé, en direction de la Laguna Verde, encore plus au sud, je décide de rester au refuge pour passer mon après-midi à dormir et surtout pour éviter un nouveau trajet en bus. Après une bonne sieste, mon état s'est amélioré, et je décide de me lever pour aller laver deux paires de chaussettes, à défaut de pouvoir se laver soi-même, l'eau étant glacée.

La Laguna Colorada, soixante kilomètres carrés et quatre mille trois cent mètres d'altitude constitue le point le plus haut de notre voyage. En réalité seulement du mien, car la Laguna Verde que le reste de mon groupe a vu est à quatre mille cinq cent mètres. Les deux lagunes sont situées dans la réserve naturelle Eduardo Avaroa créée en 1973 dans le but de protéger son écosystème naturel exceptionnel à une telle altitude, sa faune et sa flore, comme par exemple les flamands roses, le puma, le renard des Andes ou la vigogne, cousin du lama mais resté à l'état sauvage. La Laguna Colorada tire son nom de sa couleur rouge écarlate. Celle-ci est d'origine végétale, due à l'épai manteau d'algues rouges qui recouvre la lagune. Ses bords sont couverts de borax, que l'on utilise pour le savon et l'acide. La Laguna verde quant-à elle s'étale sur dix-sept kilomètres carrés et doit sa couleur verte à un mélange de magnésium, de sodium, de calcium, de plomb et d'arsenic. A boire très frais !

Jeudi 26/07 : Retour sur Uyuni

Sur notre trajet du retour, nous nous arrêtons pour voir d'impressionnants geysers de vapeur. Dès leur sortie de la terre, ils sont instantanément refroidis par le vent glacé qui souffle fort et doit faire tomber la température à près de vingt degrés sous zéro. Nous prenons notre déjeuner à Villa Alota, là où nous avions dormi deux jours plus tôt. Mais cette fois-ci il fait jour et l'endroit donne une toute autre impression. Le village comporte une allée principale très large, recouverte de poussière et balayée par le vent. Pas un seul habitant n'est dehors, la ville est déserte, volets et portes sont closes. Un décor de western apocalyptique. Après quelques heures de bus supplémentaires sur des pistes, nous retrouvons ce cher Uyuni. Je décide de ne plus acheter de gâteau et d'attendre le dîner.

Vendredi 27 : La Paz, ou le Retour à la Civilisation

C'en est fini du sud de la Bolivie, de ses paysages fantastiques sortis tout droit d'une autre planète, de ses grandes étendues désertiques ou paissent des milliers de lamas, de ses petits villages en pierre abandonnés, de ses villes aux décors de western. Il nous reste encore un peu de piste à faire, et bientôt, nous retrouverons avec joie la route goudronnée, fruit de la manie caractéristique de l'homme, construire partout des voies de communication.

Peu à peu nous diminuons en altitude, les paysages deviennent moins désertiques, la végétation réapparaît, les villages se font moins rares. L'adobe a remplacé la pierre pour les constructions. Nous tombons nez à nez avec un "accident de la circulation". Un camion transportant du minerai s'est renversé et son essieu avant est cassé. A côté de lui, l'autre camion n'a pas versé, mais coincé dans le bas-côté de la piste, il n'arrive plus à redémarrer. Nos deux conducteurs descendent du bus pour aider les autres chauffeurs qui s'affairent à déblayer le chemin devant le camion encore debout, pour que celui-ci puisse partir à nouveau. Et après une demi-heure, il arrive enfin à se sortir du trou, ce qui permet à notre bus de passer à vide et de franchir le guêpier. Le conducteur du camion renversé reste interdit devant le triste spectacle de son véhicule cassé et de sa cargaison éparpillée par terre. Les larmes lui viennent aux yeux, il vient sans doute de perdre son seul outil de travail, et peut-être craint-il déjà les vives remontrances de son patron. Nous lui proposons de le prendre avec nous jusqu'au prochain village, mais il semble que l'autre camion se soit déjà chargé d'alerter quelqu'un.

En remontant plus au nord et en approchant d'Oruro, la piste se transforme comme par magie en route asphaltée. Que c'est agréable de la retrouver après quatre jours et demi de pistes. Plus de secousses incessantes et de poussière qui rentre dans le bus par les jointures des fenêtres. Les maisons se font plus nombreuses, toutes reliées à l'électricité. Nous effectuons un bref passage en car dans Oruro, qui, à trois mille sept cent mètres, avec près de deux cent mille habitants est la plus grande ville de l'Altiplano bolivien. La ville est notamment réputée pour ses mines d'or et chaque année en février, elle se transforme en "clown" pour célébrer le Carnaval, l'un des plus beaux et des plus importants en dehors de celui de Rio de Janeiro (selon mon guide). Ainsi lui attribue-t-on le titre de capitale officielle du folklore bolivien. Si je m'en étais tenu à mon impression de la ville à travers la fenêtre de l'autobus, je n'aurais jamais pensé qu'Oruro eut pu mériter ce titre plutôt flatteur. Les rues sont plutôt sales et les maisons, couvertes de réclames en tout genre, mal entretenues. Mais en feuilletant mon guide, je m'aperçois qu'Oruro possède un petit centre historique datant du XVIème siècle, non dénué d'intérêt. Ce sera peut-être pour une autre fois, mais Oruro n'est pas sur la liste de mes priorités.

En fin de soirée, avant que la nuit ne tombe, nous retrouvons avec joie la capitale bolivienne, La Paz, que nous avions à peine eu le temps d'entre apercevoir une semaine plus tôt. Après avoir repris quartier dans le même hôtel, le confortable Sagarnaga, nous sortons pour aller prendre un petit apéro. Nous choisissons l'hôtel Presidente, un cinq étoiles ! Ce n'est certes pas pour ses petites "golden stars" que nous y allons, mais pour monter au sommet de sa tour, au dix-septième étage afin d'admirer La Paz, by night. La baie vitrée nous permet de profiter d'une vue saisissante sur la cité et ses huit cent mille âmes. Et le Pisco bien tassé renforce encore cet effet magique !

Nous terminons la soirée dans la peña "Los Escudos", au centre de La Paz. La peña est un endroit où l'on peut manger et boire tout en écoutant un orchestre de musique folklorique. Ce fut un dîner chaleureux et très convivial, rythmé par la musique typique des Andes avec des instruments tels que le charango ou la flûte de pan. Il s'agissait d'ailleurs du dernier repas que j'ai passé en compagnie du groupe. Car dès le lendemain, j'allais prends un avion pour Lima afin de rencontrer la famille de ma professeur d'espagnol d'origine péruvienne, de Cuzco pour être précis, et dont la famille -une partie- habite à Lima. Je connaissais déjà un petit peu par e-mails interposés Isabel, dix-huit ans, la nièce de ma prof, Mati. Ce voyage sera donc l'occasion de pouvoir la voir en chair et en os. Je dois rejoindre le reste de mon groupe à l'aéroport de Lima, lundi en fin de journée, et de là, nous nous envolerons pour l'Europe.